Les vrais, ce sont les naturalistes, nos Natus de l’Ain, les Faulx, un vallon creusé aux confins de Revermont et de la Bresse. Une petite vallée où une petite rivière franchit une marche pour dévaler vers la plaine de Bresse. Quittant les calcaires des derniers versants occidentaux du Jura, la Vallière fait un bon d’une vingtaine de mètres puis s’en va serpenter sur les formations tertiaires. C’est l’occasion d’aller à la rencontre de la flore de ce petit espace naturel si sensible avec David Drencourt comme guide, habitant de Ceyzériat et naturaliste curieux et assidu.
Nous sommes donc 9 à nous retrouver ce lundi 8 avril sur le parking de l’école de Ceyzériat. Le ciel a pris un air maussade, mais qu’importe, la petite troupe commence l’herborisation le long de la route avant d’emprunter le chemin qui descend vers le vallon.
Le long des murs et sur les murs, nous apparaissent bien vite les plus caractéristiques de nos plantes calcicoles. La Ruine de Rome entre autres Cymbalaria muralis, mais aussi Oxalis fontana, Geranium robertianum et G. pyrenaicum. Une belle parcelle de Fumeterre aussi, Fumaria officinalis. Le sentier s’enfonce maintenant dans les buis, dévorés par la Pyrale du buis, sous les ors de la Coronille Hippocrepis emerus ; au sol, l’espace est occupé par les frondes d’un Polypode que nous ne déterminerons pas, et à mesure que les marches descendent dans le ravin, l’impression de fraicheur s’accentue, permettant le déploiement des frondes de la Scolopendre, Asplenium scolopendrium.
La rencontre furtive avec une minuscule Adelidae (un de ces minuscules papillons aux antennes démesurées) et nous voici enfin au bord du petit cours d’eau, en bas de la cascade qui a fière allure malgré la sècheresse. Sur les rochers exposés aux embruns, des plaques de Marchantia permettent à tout un chacun de reconnaitre ces étranges plantes proches des mousses sans en être, et regroupées sous le nom d’Hépatiques avec d’autres taxons. Sur les rives, les touffes luxuriantes de Carex riparia façonnent un bien joli jardin anglais.
De part et d’autre de la rivière, c’est une forêt fraiche avec deux érables, Acer pseudoplatanus, le Sycomore, et A. campestre, l’Érable champêtre. Malheureusement, le Marronnier d’Inde est omniprésent et ses repousses envahissent le sous-bois ; il est bien dommage de voir un espace naturel ainsi envahi par une plante exotique de plus.
- Les compagnons de Jéhu à la grotte de Ceyzériat, ill. de Gustave Doré, Alexandre Dumas Les Compagnons de Jéhu Paris : Dufour, Mulat et Boulangers éditeurs, 1859
Une petite grimpette nous conduit à la grotte de Ceyzériat, abusivement taxée de grotte des compagnons de Jéhu. Alexandre Dumas (père précise-t-on) y a effectivement placé un chapitre de son œuvre, les Compagnons de Jéhu, en mêlant la fiction et la réalité avec beaucoup de liberté. La grotte qui dans le roman serpente sous la Bresse pour rejoindre l’église de Brou, est en fait une petite cavité d’une centaine de mètres de longueur. D’autres cavités sont visibles dans le vallon, aucune d’elles ne dépasse la dizaine de mètres. Un article du Progrès en 2010 est revenu sur cet épisode, mais la journaliste n’a pas jugé bon d’aller chercher ses sources chez les spéléos, nous garantissant des inexactitudes supplémentaires comme le quotidien régional sait nous servir.
David nous sort quelques instants de l’antre obscur, une magnifique femelle de Meta menardi, une araignée habituée à vivre dans les endroits sombre, que l‘on dit troglophile, c’est-à-dire qui passe le plus clair ( !) de son temps dans l’obscurité.
En contrebas de la grotte, la source des Faulx est une petite émergence pérenne, on y observera entre autres une larve de Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), une larve de trichoptère et une autre de coléoptère. Dans la Vallière un peu plus bas, c’est une larve de Libellulidae, trop petite pour être déterminée même au genre avec certitude qui se cachait dans le sédiment, alors qu’un peu plus en aval, une larve de Cordulégastre annelé, Cordulegaster boltonii une autre libellule de bonne taille semblait vivre ses dernières semaines d’insecte aquatique.
Près d’un lavoir trop nettoyé et désormais privé de la luxuriance des fougères comme du sédiment favorables aux amphibiens et autres animaux aquatiques, nous trouverons la Cardamine flexueuse Cardamine flexuosa qui, sous la binoculaire, a bien révélé ses 6 étamines à Arlette.
Il y a quelques dizaines d’années, on voyait encore bien le passage des couches jurassiques calcaires à celles, conglomératiques, du Tertiaire, mais nous n’avons pas pu les retrouver.
Au sol, c’est une belle population de Muscatelle, Adoxa moschatellina que les botanistes observeront. Cette petite plante aux fleurs discrète est le chef de file de la famille des Adoxacées qui compte maintenant parmi ses membres, d’autres plantes de nos vallons calcaires comme les sureaux et les viornes auparavant chez les Caprifoliacées. C’est en scrutant le feuillage d’un individu de Muscatelle que l’un d’entre nous remarqua d’étranges taches qui évoquaient des traces de parasitage. Pressentant des galles, Arlette a contacté Louis Girard, auteur d’une récente publication sur le sujet qui nous a révélé l’auteur de ces traces, une rouille Puccinia adoxae nous précisant qu’on est à la frontière de la notion de galles, car la déformation des organes reste modeste.
Dans le boisement humide où l’on rencontre le Saule marsault, Salix capraea et les fleurs d’or du Populage des marais, Caltha palustris, la Grande prêle, Equisetum telmateia nous montrait ses épis sporifères sur la tige fertile, la tige stérile poussera, elle, après.
Comme le temps passe, nous entamons le chemin du retour, non sans croiser et renseigner un groupe de collégiens aux prises avec un jeu de piste qui leur offrait bien des difficultés que nous ne soupçonnerions pas… Qu’est-ce qu’un coteau ?
De belles plages de Pulmonaire, Pulmonaria montana, les crosses à peine sorties du Sceau de Salomon, Polygonatum multiflorum, les étoiles blanches de la Stellaire holostée, Stellaria holostea, termineront cet inventaire à la bois vert… David nous montrera encore une station d’Arum italicum, beaucoup lus localisé qu’Arum maculatum présent çà et là dans le vallon.
C’est ainsi que nous terminons cette escapade dans un bien joli site aux portes de Bourg, en remerciant David de nous avoir fait partager une de ses terrains d’herborisation préféré.
Pour en savoir plus sur la grotte de Ceyzériat
Krieg-Jacquier R., 1985. Sur les traces des compagnons de Jéhu. L’Ain Descend, bulletin du G.S. Bourg n° 14 p. 9-14