Réunion 26 mars 2018

Publié le mercredi 28 mars 2018 par Claudette TABARY

Assistance nombreuse pour cette séance, 26 adhérents (Gaëtan Autuoro est excusé), prêts à s’initier à la culture des champignons.

La soirée est divisée en 2 parties : d’abord le visionnage d’un film documentaire de Julie Dorde et Arthur Bouvart, datant de 2017 et diffusé sur France 5 il y a quelques mois. Ce film d’une heure peut d’ailleurs être acheté sur Internet pour la somme de 2,99 €. Puis en seconde partie, je présente un exposé concernant tous les Champignons comestibles cultivables.

Le film :

Voici pêle-mêle quelques remarques ou questions des spectateurs, citées anonymement pour simplifier …

  • Mauvais exemple de la petite fille qui, ramassant les champignons avec son grand-père, les coupe au pied !
  • Il est signalé « Le Musée du Champignon » proche de Saumur, impressionnant entre autres pour les grandes surfaces de mycélium exposées.
  • Pour Régis Macron, Chef étoilé, peu de différence de goût entre morilles sèches et fraiches. Cependant, pour certaines recettes, il préfère les sèches.
  • Pour Jean-Marc Broyer, autre Chef étoilé, peu de différence également entre morilles sauvages et cultivées. Il note quand même un goût plus prononcé pour les fraiches qui doit dépendre du terrain.

Cependant dans les 2 cas, il s’agit de morilles. Qu’en est-il avec d’autres espèces ?

  • La surveillance des cueillettes des particuliers n’est faite que 2 à 3 fois par an par les Services d’Hygiène de l’Etat, le reste du temps il y a des trieuses … On a toujours ce même problème de contrôle des espèces toxiques, que ce soit sur les marchés ou dans les pharmacies.

Exemple de Bourg : il y a quelques années, la Mairie nous demandait de contrôler les cueillettes des particuliers, mais rien ne nous permettait d’être sûrs qu’il n’y ait pas d’autres cagettes dans leur véhicule. Même constatation dans les pharmacies : comment vérifier toute une grosse récolte si le client n’apporte que quelques exemplaires … D’ailleurs plusieurs personnes ont constaté des manquements sur les marchés, concernant des gyromitres ou des tricholomes équestres par exemple.

  • Le prix du Brevet du secret chinois des souches de morille fructifère est exorbitant : 1.002.000 €. L’industriel français qui l’a acheté le revend à 58 agriculteurs français.

Mais en suivant le parcours de 2 jeunes entrepreneurs qui ont investi 15 000 € et qui payent le « secret » 3600 € par an, comprenant le semis, l’engrais et surtout le savoir-faire, à 100 € le kg de morilles cultivées, il leur faudra beaucoup plus que 36 kg pour amortir et surtout vivre de leur travail !!

Champignons comestibles cultivables

La France est le 4ème pays producteur de champignons, derrière la Chine, les Etats Unis et les Pays Bas.

En France, c’est surtout dans la région de Saumur pour le Champignon de Paris. Les Grecs cultivaient les Pholiotes dès le 2 ème siècle avant JC, et la culture du Shiitake remonte à 199 au Japon sous l’empereur Chuai (Empereur légendaire ?).

C’est surtout les champignons saprophytes (ceux qui décomposent la matière organique, leur substrat) que l’on va pouvoir cultiver. Car pour les mycorhiziens, qui interfèrent avec des végétaux, c’est beaucoup plus compliqué : cas de la truffe par exemple.

Pour les cultiver, les méthodes sont différentes suivant le lieu (souches d’arbres dehors, dans une cave, etc. …) et aussi suivant l’espèce de champignon.

A- Jardin de champignon

1- Souches et rondins d’arbre :

On perce des trous dans des souches d’arbre (encore en place avec leurs racines), puis on remplit ces trous avec le mycélium. Pour les pleurotes en huitre, la colonisation est assez rapide, environ un an, alors que pour les Shiitake c’est beaucoup plus long, jusqu’à 2 ans, et il leur faut beaucoup d’eau. On peut également coloniser des rondins en faisant des entailles. Remarque : il ne faut pas attendre plus de 2 à 3 mois après l’abattage pour utiliser les souches. Et bien sûr l’essence de l’arbre est à prendre en compte suivant l’espèce que l’on veut ensemencer.

2- Myciculture sur paille :

La colonisation du substrat de paille est rapide, ce qui permet de récolter des champignons toute l’année. Très bons résultats avec Stropharia rugosa annulata (cèpe de paille), mais également possible avec différentes espèces de pleurotes (jaune, bleu, pulmonaire).

Evidemment, ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît ! Voir toutes les conditions de réussite dans le livre « Cultiver ses champignons » de Magdalena et Herbert Wurth. Suivant les espèces, les essences de bois recommandées peuvent être différentes, de même leur besoin d’humidité n’est pas identique, importance de l’ensoleillement ou de l’ombre sans compter, puisque nous sommes dans la nature, les dégâts causés par les limaces et escargots.

B- Dans la Maison ou la Cave :

  • La myciculture sur granulés de paille : pratique et efficace.
  • En hiver, on peut utiliser des substrats prêts à l’emploi, autrement dit des « kits de culture », où le substrat est inoculé avec du mycélium blanc-jaunâtre et de la terre dite de « gobetage ». Très facile à se procurer pour les plus courants des champignons à cultiver : Champignons de couche, les différents pleurotes et les shiitakes. On peut faire 2 à 3 récoltes pour le champignon de Paris.

C- En forêt, en pleine nature :

Exemple de la truffe, champignon ectomycorhizien, qui vit en symbiose avec une espèce ligneuse. Pour créer des truffières, il faudra donc planter des arbres déjà mycorhizés mais pas que … il faudra tenir compte de beaucoup d’ autres facteurs, climatiques, nature du sol, etc…

Liste des champignons comestibles cultivables les plus courants

1- Agaricus bisporis, le champignon de Paris dit aussi Champignon de couche. Il en existe des blancs et des bruns, ces derniers ayant une saveur plus marquée.

2- Les différentes Pleurotes :

- Pleurotus cornucopiae = Pleurote jaune. Fructification plusieurs fois en été.

- Pleurotus columbinus = Pleurote bleu. Récolte en automne.

- Pleurotus ostreatus = Pleurote d’hiver, Pleurote corne d’abondance, en forme de coquille d’huître.

- Pleurotus pulmonarius = Pleurote pulmonaire. De juin à août, il dégage un arôme d’anis.

- Pleurotus eryngii = Pleurote du Panicaut. Chapeau petit par rapport au pied, mais le pied est consommable. Très apprécié, on peut facilement le cultiver à la maison avec des sacs de substrat prêts à l’emploi.

3- Hypsizygus ulmarius, improprement appelé Pleurote de l’orme. Ce champignon de la famille des Lyophyllaceae a un aspect et le goût des pleurotes, de couleur brun-gris. Parmi les autres synonymes, citons Agaricus ulmarius et Tricholoma ulmarium. Il se cultive plutôt sur substrat de paille.

4- Kuehneromyces mutabilis = Pholiote changeante. Pousse en touffes. Attention aux confusions dans la nature avec Galerina marginata mortelle. Culture sur rondins de bois. Récolte en automne et un peu au printemps. Excellentes dans les soupes (uniquement les chapeaux).

5- Hypholoma capnoides = Hypholome à lames enfumées. Culture sur résineux surtout épicéa. Lames des exemplaires adultes de couleur gris violet. Saveur douce. Dans la nature, ne pas confondre avec Hypholoma fasciculare très amer.

6- Flammulina velutipes = Collybie à pied velouté = Enoki. Se cultive sur rondins et se récolte dès le premier hiver. De saveur épicée, surtout utilisé dans les soupes ou en sauté, au Japon, qui en fait une culture industrielle.

7- Stropharia rugosa annulata = Strophaire à anneau rugueux surnommé « cèpe de paille ». Le chapeau est rouge-brunâtre. Ces champignons doivent être grillés et surtout bien cuits.

8- Hericium erinaceus = Hydne hérisson = Crinière de lion = Pom-Pom blanc. Magnifique spécimen, cultivé sur souches ou rondins surtout en Asie, comme champignon thérapeutique dans la médecine traditionnelle chinoise (problèmes stomacaux et intestinaux). Mais à part cette fonction, c’est aussi un champignon « délicieux », à la saveur délicate, goût citronné évoquant celui du homard ! Mais attention, chez nous, c’est une espèce à protéger.

9- Auricularia auricula-judae = Oreille de Judas . Inoculation sur des rondins de 1 m de long. Se récolte pratiquement toute l’année. C’est le champignon noir des soupes asiatiques.

10- Lentinula edodes = Shiitake . Champignon thérapeutique dans la médecine chinoise, c’est aussi un très bon champignon comestible à chair blanche assez ferme d’une saveur et d’un arôme très particuliers. C’est le 2ème champignon le plus cultivé au monde. Le 1er producteur mondial est la Chine, suivi de peu par le Japon. On en cultive un peu en France. L’inoculation se fait avec du mycélium sur grains que l’on met dans des entailles ou avec des chevilles sur des rondins d’1 m de long. Récolte en juin, juillet et septembre. Attention, ne pas le manger cru ou mal cuit : il provoque des dermatites toxiques dites flagellaires, éruption de petites lésions prurigineuses sur tout le corps. Il se cuisine sous des formes très variées.

11- Lepista nuda = Pied bleu.

Surprise de la soirée, nous avons plusieurs gros exemplaires frais, mais notre étonnement est résolu en apprenant qu’ils proviennent d’une serre … Cela nous donne l’occasion de réviser et de faire une sporée qui se révèle effectivement très claire.

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Lepista nuda dit Pied bleu

La culture se fait en sac sur le même substrat que celui utilisé pour le champignon de couche, mais il lui faut une hygrométrie élevée et au moins une température de 25 °.

C’est possible de le faire dans son jardin : entasser des feuilles de hêtre sur au moins 50 cm, puis ramasser des pieds bleus en forêt, les couper à la base en faisant attention à bien garder le feutrage blanc du mycélium, avec quelques feuilles, et les « enfouir » dans le tas de feuilles. Patience, il faudra au moins 2 ans pour avoir les premiers exemplaires !!

En carrière, ils sont blancs mais deviennent violet lilas à l’air. Le développement est long, peu abondant donc cher, c’est pourquoi il est rare d’en trouver dans le commerce.

12- Sparassis crispa = Clavaire crépue, Chou-fleur ou encore Morille blanche.

Aspect caractéristique de chou fleur à chair élastique et d’odeur agréable. Dans la nature on la trouve au pied des conifères ou de vieux pins dès le mois de septembre. C’est un très bon comestible mais il faut le consommer très jeune avant tout brunissement. La culture se fait sur sciure et copeaux de bois. Vous trouverez les paramètres de culture sur le site « champignonscomestibles.com » qui détaille une vingtaine d’espèces. Pour 1 kg de substrat, on peut espérer récolter 250 gr de champignons. Sur ce site, vous pouvez aussi vous procurer tout le matériel nécessaire à ces cultures : substrat, boites de Pétri, gants, etc., … et même des kits de culture de différentes tailles (attention, sans le mycélium).

13-Agrocybe aegerita = Agrocybe cylindracea dit Pholiote du peuplier.

Bon comestible, poussant dans la nature sur des souches de peupliers mais également de saules ou ormes. Elle se cultive sur copeaux de hêtre et sciure, dans un espace clos. Bon rendement en cave ou serre.

14- En ce qui concerne les morilles : le film montre bien comme c’est difficile et qu’il faut acheter « le secret » très cher … ce n’est pas à la portée de tout le monde !

Nous avons eu l’occasion, au moins pour quelques uns d’entre eux, de les rencontrer soit dans nos Expositions, soit à l’Ecole du Champignon. Pour mémoire, je vous mets ces quelques photos retrouvées :

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Agrocybe aegerita
Pholiote de peuplier sur souche de sureau !
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Agrocybe cylindracea= Agrocybe aegerita
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Coprinus comatus
Assez frais
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Coprinus comatus
En déliquescence
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Flammulina velutipes
Collybie à pied velouté
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Morchella elata ( var.esculenta)
Morille commune
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Piptoporus betulinus
Polypore du Bouleau
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Sparassis crispa
Clavaire crépue ou Chou fleur

On peut aussi cultiver des champignons pour d’autres usages que la cuisine, mais ce n’est pas le sujet du jour.

Citons quand même :

*Pour usage thérapeutique, en plus de ceux déjà cités :

  • Ganoderma lucidum = Ganoderme luisant ou Reishi : sous forme d’infusion, poudre ou extrait, en médecine traditionnelle chinoise.
  • Coprinus comatus = coprin chevelu. Il est riche en vitamine C et utilisé dans le traitement du diabète pour son activité hypoglycémiante. Il bénéficie d’études en Europe.
  • Piptoporus betulinus = Polypore du bouleau

Nous en avions déjà parlé lors d’un Lundi du Champignon. Ötzi, l’Homme de Similaun datant de 3300 Av JC, en avait dans sa besace, pour soigner semble-t-il des vers (trichinose).

Des personnes ont demandé un exposé sur ce sujet : les propriétés thérapeutiques des champignons. Mais le sujet est trop vaste pour être traité en une soirée ou même plusieurs. Et surtout il est trop sensible, dépasse non seulement nos compétences mais surtout le rôle de notre Société, qui est d’apprendre à déterminer les espèces, connaître leur mode de vie et reproduction et surtout éviter les confusions.

Notre médecine occidentale, basée sur l’expérimentation, est très différente des médecines asiatiques basées, elles , du moins au départ, sur la tradition. Pour ma part, j’ai quelques doutes sur ces champignons qui soignent un peu tout, de vraies panacées, surtout si on songe aux autres remèdes, animaux, faisant partie aussi de leur pharmacopée, comme des hippocampes, corne de rhinocéros, pénis de cerfs, nids d’hirondelles et j’en passe … pour lesquels je n’ai aucun doute (sans compter les dégâts provoqués). Il serait également dangereux, dans certains cas, de donner de faux espoirs. Donc, à part les champignons qui ont eu droit à des recherches selon nos critères scientifiques, à chacun de se faire sa propre idée et de prendre ses responsabilités.

* Pour mycorestauration :

Les pholiotes changeantes, les collybies à pied velouté, les pleurotes en huitre, les strophaires à anneau rugueux et les ganodermes luisants peuvent décomposer le bois avec leurs enzymes fongiques et donc parviennent à neutraliser les métaux lourds et les déchets toxiques donc à dépolluer les sols.

* Pour le défrichage biologique :

Les pleurotes en huître, et Grifola frondosa peuvent contribuer à l’élimination biologique des souches d’arbre puisqu’ils décomposent le bois.

* Ne pas oublier les Penicillium indispensables à la fabrication de certains fromages, Penicillium chrysogenum à la base de la pénicilline etc…….

J’aimerais beaucoup que l’on parle un jour des champignons parasites de nos jardins, responsables des maladies cryptogamiques, mais le sujet est très vaste donc demande pas mal de recherches……

  • Avant de se quitter, nous avons eu encore de nombreux échanges, en particulier sur la cuisson des champignons. Nous rappelons qu’il faut bien les faire cuire, que ce soit à l’eau ou à la poêle (au moins 15 minutes), surtout les espèces ayant des poisons thermolabiles comme les morilles ou l’Amanite rougissante. Et surtout, ne pas les couvrir pour permettre l’évaporation de ces toxines.
  • Les pays les plus avancés dans la recherche des méthodes de culture sont évidemment les pays dont les habitudes sont très « mycophages », comme les pays de l’Est ou même l’Italie du Nord. Voir sur le site, l’article inséré dans le compte-rendu du Lundi du Champignon du 27 avril 2015, consacré à l’Ethno mycologie.

Conclusion :

Le nombre de champignons comestibles que l’on peut cultiver ne cesse de grandir, mais ces cultures sont souvent difficiles car il n’est pas aisé de réunir toutes les conditions de la nature. On peut trouver facilement quelques kits de culture surtout pour les champignons de Paris, les Pleurotes et les Shiitakes, mais pour les autres, attention aux arnaques. Ceux qui nous promettent, avec un kit de culture liquide de spores, faire pousser des Cèpes de Bordeaux, girolles, morilles, trompette de mort, pied de mouton etc …., se moquent du monde ! (C’est le cas d’un certain « Sauvetagraine » qui a 100% de bons commentaires !).


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