En ce lundi 27 juin, cela sentait les vacances d’été, d’abord vu le temps estival, mais aussi vu le nombre en baisse des participants, seulement 17. C’est à se demander s’il faudra renouveler la date de fin juin l’année prochaine, à la rigueur en mettre une mi-juin.
Le sujet du jour :
« Clitopilus prunulus dit Le Meunier et les champignons lui ressemblant ».
Comme il existe un polycop (des exemplaires sont encore disponibles au local de la société), je reprends ici les pages principales, mais sans les photos, que vous pouvez retrouver sur de nombreux sites ou dans vos livres de détermination.
Commençons par la monographie de :
Clitopilus prunulus, (Scop:Fr)P.Kumm.
Noms vernaculaires : Meunier, Clitopile petite prune, Clitopile pruineux, Langue de carpe, Garde-cèpe, Mère de cèpe, Clitopile orcelle, Mousseron à farine, … et sans doute bien d’autres selon les régions. Bien sûr, c’est sa très forte odeur de farine qui lui vaut son nom de Meunier. Le mot latin « prunulus » a été mal traduit en français par « petite prune » ; en fait il s’agit de l’adjectif pruineux car il semble couvert de givre.
Classification :
Division : Basidiomycota ; Classe : Agaricomycetes ; Sous classe : Agaricomycetidae, Ordre : Agaricales ; Famille : Entolomataceae ; Genre : Clitopilus.
Description :
-Chapeau : 3 à 12 cm, étalé et presque plaqué au sol, irrégulier, bombé, mou, très fragile et cassant, blanc mat à blanc grisâtre, marge longtemps infléchie, flexueuse, et échancrée dans la vieillesse. Avec l’âge, il peut être déprimé et légèrement en entonnoir. Surface sèche, mate crayeuse à soyeuse, veloutée feutrée, parfois teintée de rose ou de jaune, un peu visqueuse à l’état humide. La chair est plus épaisse au centre, et bien mince au bord, à saveur douce farineuse.
- Pied : trapu (3-4 x 1-1,5) et court d’où l’impression d’être plaqué au sol, excentré et courbé à la base, élargi au sommet, aminci à la base, concolore et finement feutré, cotonneux à sa base.
- Lames : serrées, étroites, décurrentes, séparables, blanches quand il est jeune puis elles deviennent rose carné à maturité car, comme tous les Entolomatacées, les clitopiles ont des spores roses. Les arêtes sont un peu ondulées.
- Odeur : très forte de farine fraiche (d’où son nom de Meunier), et qui disparaît à la cuisson (mais pas la saveur).
- Habitat : vit en troupes, en sous bois (feuillus ou conifères), dans la mousse, le long des chemins forestiers, fixé au sol (pas rattaché à une quelconque litière), sur sol neutre ou légèrement basique. Il est très fréquent, en été comme en automne. Il se voit de loin (blanc sur les feuilles mortes) et c’est souvent le compagnon de Boletus edulis. D’où les noms vernaculaires de « Garde-cèpe » ou« Mère de cèpe ».
- Microscopie : spores fusiformes ellipsoïdales, lisses, à 6-7 côtes longitudinales, 8,7-10,6x5,3-6,5µm. Sporée rose à rose saumon. Basides clavées tétrasporiques. Cuticule filamenteuse, hyphes sans boucles.
- Réactifs : Le gaïac ne provoque pas de réaction bleue immédiate (elle peut finir par apparaître au bout de plusieurs heures) sur les chapeaux, au contraire des clitocybes blancs toxiques.
Comestibilité :
C’est un délicieux comestible, jamais véreux, à cuisson rapide et très digeste. Mais attention, comme beaucoup de champignons, il se gorge d’eau quand il est vieux et est alors rapidement dégradé par des hyphomycètes qui peuvent le rendre indigeste.
Ce champignon est d’autant plus apprécié que sa chair n’est jamais véreuse. Par contre, comme il a un goût très prononcé de farine, on préférera le mélanger à d’autres saveurs et faire des poêlées forestières. J’ai quand même cité pour les mycophages avertis 2 recettes, une d’un gratin de clitopiles et une autre, « Filet de merlan aux meuniers » de Régis Marcon.
Confusions :
Malheureusement, il y a tout intérêt à bien le connaître, car il a beaucoup de « sosies » et certains sont très toxiques. En premier lieu nous étudierons toute une série de clitocybes blancs, mais on peut aussi le confondre avec : Entoloma lividum ou sinuatum, Clitocybe connata (Lyophyllum connatum), ou Calocybe gambosa (également comestible mais qui pousse au printemps).
(Jean-Michel pense qu’on peut aussi le confondre avec des Amanites blanches, ceci s’adressant sans nul doute à des personnes n’y connaissant vraiment rien et donc très imprudents de manger n’importe quel champignon ! Car en poussant l’étude et la comparaison plus loin, il y a beaucoup d’autres champignons blancs et même des variétés blanches dans certaines espèces. Nous ne verrons donc ici que ceux dont il a été rapporté dans la littérature des confusions avec Le Meunier.)
Les Clitocybes blancs de la section Candicantes
Ce sont eux qui risquent le plus d’être pris pour des Meuniers, or ils sont très toxiques.
Rappel de leur situation dans la classification : Agaricales, famille des Tricholomataceae, genre Clitocybe.
Ceux qui nous intéressent sont dans la section des Candicantes, à couleurs pâles ou blanches, et revêtement glacé, pruineux ou givré. Les espèces sont nombreuses, sans compter les variétés et les différents guides les regroupent souvent, faisant de 2 ou même 3 espèces, une seule … La classification la plus complète est celle de : Marcel Bon (Flore mycologique d’Europe, N°4).
Nous ne retiendrons que les plus importants que nous regrouperons en 3 sous sections, comme dans le Guide de Courtecuisse.
1 )Ss Section Pruinatae : espèces moyennes, jusqu’à 10 cm, qui ont un revêtement givré ou marbré, et poussant plutôt dans les bois de feuillus ou conifères :
- Clitocybe phyllophila - ou pithyophila - Clitocybe cerussata
2 ) Ss Section Candicantes : espèces petites, jusqu’à 5 cm, à revêtement pruineux ou givré, que l’on trouvera plutôt dans les endroits herbeux :
- Clitocybe dealbata - Clitocybe rivulosa - Clitocybe candicans - Clitocybe gallinacea
3 )Ss Section Pseudocandicantes : espèces petites (4 cm), subhygrophanes à revêtement glabre :
- Clitocybe graminicola - ou agrestis (sur saules)
Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez consulter le tableau du polycop qui compare toutes ces espèces. C’est assez complexe, surtout si l’on veut faire une synthèse de tous les ouvrages courants : Bon, Eyssartier, Champignons de Suisse, Courtecuisse, Montaigut, etc. ….
Les Clitocybes blancs et le Meunier peuvent pousser ensemble d’où de possibles confusions.
S’il y a un doute, faire sporuler les champignons sur un papier blanc. Même si certains clitocybes blancs peuvent avoir une sporée en tas (ou des reflets sur les lames) légèrement rosée, ce n’est rien à côté du rose franc de Clitopilus prunulus.
Les lamelles ne sont pas décurrentes, juste un peu pentues pour les vieux spécimens.
Retenons que les espèces moyennes, qui poussent dans les bois, ont un pied tomenteux à la base, agglomérant feuilles ou aiguilles.
Leur chair est nettement élastique et ils ne cassent donc pas aussi facilement dans le panier. Certains ont une faible odeur de farine, mais beaucoup moins nette et virant désagréablement.
TOXICITE de tous ces clitocybes blancs :
Le syndrome muscarinien (dû à la muscarine qu’ils contiennent), appelé aussi syndrome sudorien, dont ils sont responsables peut entraîner l’hospitalisation. C’est la même intoxication que celle provoquée par les Inocybes.
Parmi les quelques 150 à 160 espèces de Clitocybes, 25 sont toxiques à très toxiques dont ces Clitocybes blancs.
L’incubation est très courte : 1/4 d’heure à 2 heures.
La muscarine est un vagomimétique qui excite le système parasympathique d’où une hypersecrétion sudorale, nasale et lacrymale. On dit que le malade « ruisselle ». On note aussi une diminution de la pupille. Cela peut aller jusqu’à des troubles respiratoires dus à une hypersecrétion des bronches. Ralentissement du rythme cardiaque et chute de la tension artérielle peuvent s’accompagner de vomissements et diarrhées.
Il est quelquefois nécessaire d’administrer de l’atropine (alcaloïde de la belladone ayant les effets inverses de la muscarine) et de réhydrater le patient avec du sérum physiologique, mais généralement la guérison se fait en moins de 24 heures.
PS : Ne pas confondre ce syndrome muscarinien avec le syndrome mycoatropinien, causé par Amanita muscaria et Amanita pantherina dont les substances toxiques ont des effets inverses.
Voyons maintenant le plus gros champignon pouvant être confondu avec le Meunier.
Entoloma sinuatum (Pers.:Fr.)P.Kumm. Syn. E. lividum (Bull.) Quél. Entolome livide
Auparavant, les 2 espèces : lividum et sinuatum étaient séparées. La différence provenait surtout de la couleur des lames au départ : jaune de beurre pour le lividum et bien blanches pour le sinuatum, mais il semble que ce soit deux formes de la même espèce.
C’est surtout à l’état jeune, quand il est encore de petite dimension, que l’on peut le confondre avec le Meunier. Et malheureusement, comme tous les entolomes, il a aussi des spores roses, et comme le Clitopilus prunulus, il a aussi une odeur et saveur de farine. Par contre, l’espèce lividoalbum ne peut être confondue avec le Meunier, son chapeau étant nettement plus sombre, brun à brun ochracé, puis chamois grisâtre une fois sec.
Description :
-Chapeau : 3 à 20 cm, obtus, mamelonné, gris clair à beige jaunâtre, non strié mais juste fibrilleux soyeux. - Lames : adnées à échancrées, jaune de beurre (ou blanches), vite rose saumon, sinuées, peu serrées et inégales. - Pied : 6-8x1-4 cm robuste, souvent en massue, blanc jaunâtre et soyeux. - Chair : blanche, épaisse. Saveur et odeur de farine devenant nauséeuse à la fin, comme l’huile de ricin. -Habitat : sous bois frais de feuillus et sols argilo-calcaires. En automne. -Microscopie : spores 9x8 µ polygonales (6 angles) et roses. Boucles nombreuses, cuticule filamenteuse.
Comestibilité : Redoutable toxique provoquant de graves gastro-entérites (syndrome résinoïde). Ce champignon serait responsable de 80 % des intoxications mycophagiques ! Quelques décès ont même été constatés pour des personnes en insuffisance rénale ou hépatique. Il peut de plus être confondu avec Clitocybe nébularis (Clitocybe nébuleux) que certains consomment, bien que pouvant lui aussi causer des désordres digestifs.
Tableau comparatif :
Noms | Clitopilus prunulus « Meunier » | Les Clitocybes blancs | Entoloma sinuatum Entolome livide |
Chapeau | 3-12cm, blanc mat à blanc grisâtre, bombé puis déprimé avec l’âge. Marge flexueuse. Très fragile, cassant. Surface mate, crayeuse ou veloutée. | Espèces petites (4-5 cm) et moyennes(10cm). Revêtement givré, marbré,pruineux ou glabre. | 3-20cm, gris clair à beige jaunâtre, fibrilleux soyeux.Mamelonné. |
Pied | 3x1,5cm, trapu, court, excentré, aminci et cotonneux à la base, élargi au sommet, concolore. | Base tomenteuse agglomérant feuillus ou aiguilles pour les espèces moyennes. 4-10x0,5cm,concolore. | 6-8x1-4 cm, robuste,en massue, soyeux, blanc jaunâtre. |
Lames | Serrées, décurrentes, séparables, blanches puis rose carné. Arêtes ondulées. | Adnées, Subadnées ou un peu décurrentes, blanches à crème ocracé. Certains ont un reflet rose léger. | Adnées à échancrées, jaune de beurre ou blanches puis rose saumon. Peu serrées, sinuées, inégales. |
Chair, saveur, Odeur | Epaisse au centre, amincie au bord. Saveur douce, odeur très forte de farine fraîche. | Blanche. Certains ont une odeur subfarineuse mais devenant terreuse. | Blanche, épaisse. Saveur et odeur de farine mais devenant nauséeuse (huile de ricin). |
Habitat | En troupes. Sous bois feuillus ou conifères, mousse,chemins forestiers. | Les moyens : bois feuillus et conifères, lisières. Les autres : pelouses, prairies, haies etc.. | Sous bois frais de feuillus. |
Microscopie | Spores fusiformes 6 à 7 côtes longitudinales. 8,7-10,6x5,3x6,5µ, rose à rose saumon. | Spores pruniformes .Moyenne : 5x4 µ , +ou - rosâtres ou blanc crème (voir les différences sur M. Bon) | Spores polygonales (6 angles) roses.9x8 µ . |
Réactifs | Pas de réaction bleue immédiate au gaïac. | Réaction bleue immédiate sur les chapeaux avec le gaïac. | rien |
Comestibilité | Bon comestible | Tous très toxiques, Syndrome muscarinien | Très toxique, Syndrome résinoidien |
La dernière partie de la soirée est, comme d’habitude, consacrée à la détermination des quelques champignons présents, mais certains ont pris un coup de « chaud ».
Nous nous donnons rendez vous, à la rentrée début septembre, pour la reprise de l’Ecole du Champignon.
Texte : Tabary Claudette
Photos : David Drencourt et Claudette Tabary