En ce vendredi matin 25 mai 2012, première journée d’un week-end avancé et consacré à l’exploration « souterraine », une poignée d’invités se retrouvent à Corbonod, près de Seyssel, à l’occasion d’une visite/exploration organisée sur le site de la mine d’Orbagnoux.
En effet, Claire Griot, adhérente à la SNAA et Seysselane d’origine, a concocté et mis sur pied une double journée dédiée à la découverte du site d’exploitation de la mine d’Orbagnoux, hameau de Corbonod, et de ses environs immédiats.
Contact a été pris par elle avec M. Collin, ingenieur, pour l’accès et la visite du site, et avec M. Travail, maire de Corbonod, pour les autorisations d’accès, de prospection et de ramassage de fossiles à proximité du tunnel d’accès aux mines.
Claire a également contacté André Nel et Romain Garrouste, tous deux enseignants/chercheurs au Museum d’Histoire Naturelle de Paris (André est un spécialiste international des insectes fossiles, particulièrement les libellules, et Romain un paléoentomologiste de renom) dans le but d’enrichir par leur présence et leurs connaissances le déroulement de ces deux journées.
Enfin Daniel Grand, déjà croisé à la SNAA lors de conférences et de sorties, est également convié pour son apport dans le domaine de l’odonatologie.
A 9h30, notre petit groupe est accueilli sur le site de la mine par M. Collin. Le caractère « privatif » de cette matinée a été imposé par notre accueillant et sa direction ; car d’une part nous sommes sur un site industriel, donc privé, et d’autre part les mesures de sécurité liées à ce type d’entreprise sont très sévères et n’autorisent donc pas la présence d’un groupe trop important (nous sommes vendredi et les « mineurs » travaillent donc). Enfin, bien sûr, le contenu de ce qui va nous être présenté relève de la propriété industrielle et d’un certain secret professionnel ; nous serons donc tenus à rester très généralistes sur cette visite et discrets quand au contenu de son compte-rendu.
Au tableau blanc d’abord, M. Collin nous fait une rapide présentation de la genèse de cette usine, cartes et croquis à l’appui.
L’origine remonte à la fin du 19ème siècle, au moment du plein essor industriel, lorsque ce sont faits sentir les besoins de trouver des ressources énergétiques naturelles pour alimenter les entreprises. La « texture » géologique connue des sols de l’endroit a justifié, à l’époque, des forages à la recherche de poches pouvant contenir pétrole ou gaz. Ce ne fut pas le cas, quand aux résultats de cette recherche ; mais les forages permirent cependant de mettre en évidence la présence de veines de calcaire bitumineux en plaquettes, entraînant ainsi une exploitation industrielle du site, qui a perduré depuis jusqu’à nos jours.
Le principe de cette exploitation est le creusement de tunnels horizontaux donnant accès aux veines et aux strates. La roche est explosée, extraite et les agglomérats sont « brûlés » dans des fours à haute température ; les distillats issus de la condensation sont alors récoltés (un alambic géant en somme), sous forme d’huiles essentielles, et conditionnés.
Cette matière première, spéciale et donc très prisée, est destinée à la cosmétologie et à l’industrie pharmaceutique et vétérinaire pour ses vertus dermatologiques et cutanées. Ce type d’exploitation et d’extraction est le seul aujourd’hui recensé en Europe, d’où l’importance de le voir perdurer quand à la qualité de sa production.
Après cette petite présentation, nous revêtons les tenues sécuritaires de rigueur et prenons le chemin de la mine. Nous y accédons par un long tunnel creusé à l’horizontal, que nous allons parcourir sur plus de 500 m jusqu’à son extrémité ; nous longeons tout au long du parcours le chenal d’évacuation des eaux et les rails de circulation des chariots chargés d’évacuer les roches. Air et eau sont à une température de 7 °C, constante et invariable tout au long de l’année.
Nous restons un petit moment tout au bout du tunnel de forage, admirant les veines et « grattant » le sol. Car, allez-vous me dire, que sommes-nous venus faire là dans le cadre de la SNAA ? Simplement découvrir les empreintes fossilifères laissées dans la roche par le monde végétal et animal il y a 125 millions d’années.
Mais, timing d’entreprise à respecter, il est temps pour nous de faire demi-tour et nous sommes de retour à l’air libre à 11 h, où notre guide nous « abandonne » après avoir récupéré casques, lampes et combinaisons.
Un grand merci lui est donné pour sa disponibilité, sa gentillesse et son empressement à répondre à nos questions.
Une fois dehors, nous partons repérer notre lieu d’exploration de l’après-midi. De 450 m, altitude de l’actuel tunnel de forage que nous venons de quitter, nous montons à 600 m, hauteur de l’ancien tunnel d’exploitation aujourd’hui abandonné et condamné. Celui-ci est fermé par une grille, pour des raisons évidentes de propriété et de sécurité, ce qui en rend donc l’accès impossible.
Mais peu importe, puisque ce sont les abords qui nous intéressent ; là où ont été entassées partiellement les roches extraites pendant des années. Tandis qu’une partie d’entre nous explore (à distance) l’entrée du tunnel à la recherche d’une vie cavernicole quelconque possible, d’autres commencent à « fouiner » dans les amas résultant des forages, pressentant les découvertes de l’après-midi.
Il est temps à présent de retourner chez Claire, qui nous a préparé, gâtés que nous sommes, de quoi reprendre des forces pour le restant de la journée. Et là, autour d’une table garnie de mises en bouche et de vins du pays (Seyssel, Cerdon, Bugey), nous écoutons en nous rassasiant les récits de voyages de nos amis scientifiques.
Instant magique pour nous ; André, Romain ou Daniel nous comptent tour à tour des anecdotes tirées de leurs périples respectifs en Guyanne, Nouvelle-Calédonie ou autre lieu encore. Et nous découvrons alors, en plus de scientifiques, des aventuriers, voire des « baroudeurs », tant leurs recherches relèvent parfois de l’exploit, à la limite même du danger ; nous entendons ainsi parler de « traquenards », de coups de feu (si,si), et autres rebondissements ahurissants. Nous nous étonnons à les entendre tous trois évoquer des rencontres communes, à des endroits visités par eux à des périodes différentes, et des personnages locaux « haut en couleur » rencontrés lors de leurs « expéditions ».
Bref, nous voyageons « gratis » et ne voyons ainsi pas le temps passer.
Il est alors temps de se secouer et de retourner sur le site de ce matin. Sur place, une partie d’entre nous reste à prospecter les lieux à la recherche d’empreintes fossilifères (algues, fougères, crustacés, poissons, insectes, gastéropodes), remontant aux temps jurassiques. Une autre partie se dirige plus haut, vers les falaises sous le plateau, à la recherche d’oiseaux rapaces nichés. Las, le couvert végétal épais de la forêt ne permettra que d’observer des orchidées (pyramidal, mâle, céphalanthère), des champignons (une belle petite station de pézizes : succosa ?) ou encore des insectes surprenants (puceron lanigère).
Vers 18 h, un peu en retard sur le timing (et oui, on ne voit pas le temps passer quand on cherche), nous retournons chez Claire pour faire un petit débriefing de la journée et retrouver d’autres naturalistes qui nous ont rejoints en vue de la journée de samedi.
Nous expliquons aux nouveaux arrivants notre visite matinale de la mine. Tandis que André et Romain, ou encore Daniel et Régis, analysent, reconstituent, expliquent et commentent les « trouvailles » de l’après-midi. Sans doute y aura-t-il de leur côté un compte-rendu plus « scientifique » et plus complet sur les découvertes de la journée et du lendemain.
Mais tard commence à se faire et il est temps de prendre congé de notre hôtesse pour ce vendredi ma foi fort bien rempli :
- une partie des participants reste sur place (en vue de la journée de samedi) et se prépare à rejoindre un petit endroit pour se restaurer, avant de gagner le « château » de Corbonod où leurs chambres les attendent pour la nuitée ;
- et une autre partie repart sur Bourg, qu’ils atteindront près de 3 heures plus tard grâce à un magnifique bouchon sur l’autoroute des Titans (histoire de bien finir cette remontée dans le temps) ; ce qui leur laissera largement le loisir d’observer les falaises de Tacon Ouest et Est, lieux de nichage et de reproduction du faucon pèlerin (un peu loin toutefois pour en voir).
Pour conclure, qu’il me soit permis une fois encore de remercier très chaleureusement Claire Griot pour son investissement sur ce projet. Elle a organisé, démarché, réservé et mis en place ce séjour de deux journées. Elle a contacté les « autorités » locales pour faciliter visites, accès et autorisations. Elle nous a accueillis chez elle. Elle nous a enfin donné l’occasion de rencontrer d’éminents spécialistes, en la personne d’André Nel et Romain Garrouste ou encore Daniel Grand, nous permettant des échanges et des questionnements riches et passionnants.
C’est un vrai régal de voir des adhérents de la SNAA se motiver et prendre en charge l’organisation d’activités, en complément de ce que font déjà administrateurs et responsables/animateurs.
Les photos sont de Pierre Roncin (PR) et Guy Robert (GR).