Champignons poussant sur des milieux ou des substrats insolites
L’intérêt que suscite ces réunions mensuelles (26 présents) nous amènera à prendre une salle plus grande pour les suivantes.
Photos des participants par Gaëtan Autuoro :
Pendant ces quartiers d’hiver, nous avions choisi de traiter un sujet qui s’est finalement révélé très vaste, au fur et à mesure des recherches de chacun.
D’abord, un rappel de généralités : Les champignons ne peuvent vivre que dans des milieux où ils vont puiser directement les substances carbonées et l’eau , indispensable à leur survie. En gros, on peut les classer en 3 catégories :
- Les saprophytes : ils prélèvent la matière organique sur des débris végétaux ou animaux.
- Les parasites : ils se développent sur des organismes vivants en provoquant des affections pathogènes sur d’autres végétaux, sur l’homme ou sur d’autres animaux.
- Les symbiotiques : ceux là s’associent à un autre organisme(ex : avec une algue, ce sont les lichens), mais pour ceux là, la présence du champignon est vitale. C’est aussi dans cette catégorie que l’on trouve tous les champignons mycorhiziens, à peu près 1sur 2, qui sont liés à une essence forestière.
Finalement, suivant les substrats ou les lieux de pousse, pourvu qu’ils soient étonnants, les champignons qui nous intéressent se retrouvent aussi bien dans l’une que dans l’autre des 3 catégories.
1°) Ceux qui poussent sur des lieux particuliers :
- Sur des excréments :
Ce sont les coprophiles. Mais ils sont tellement nombreux (280 espèces au moins) que nous en reparlerons une autre fois. On pense plutôt aux basidiomycètes (comme des petits coprins, panaeolus, psathyrelles, strophaires, psylocybes et autres conocybes) mais il y en a des tas d’autres, microscopiques.
- Sur des places à feu récentes ou d’anciennes charbonnières :
Là aussi, il y en a pas mal. Citons La Pholiote des charbonnières (Pholiota highlandensis), plusieurs Pézizes( echinospora, violacea) et apparenté : Geopyxis carbonaria, Hebeloma anthracophilum,et la Chanterelle des charbonnières (Faerberia carbonaria), pour ne citer que les plus courants. Alain Petitjean a photographié Peziza petersii Berk . Curt. Cette pézize a une coupe assez profonde, quelquefois ouverte sur le côté, de 55mm à 60 mm. Son hyménium est brun, mauve, jaune, à marge sinueuse, pas de stipe.
- Sur des cônes de conifères :
Ce sont des petites collybies ( Strobilurus divers) . Le sujet a déjà été traité l’année dernière par Danièle Bouveret et des documents avec photos , pour les différencier selon la nature du cône, ont été distribués.
- Poussant également sur des cônes de pins, on peut citer : l’Hydne cure-oreille (Auriscalpium vulgare), avec un chapeau gris à brun de 1 à 2 cm, pied de 5, avec des aiguillons courts (Bon : page 312). Gaëtan Autuoro en avait également parlé et mis des photos sir son article « Champignons singuliers rencontrés en 2011 »
- Jean Claude Rabatel nous signale aussi un champignon poussant sur des écailles de cônes d’abies alba ( sapin blanc) : il s’agit de Ciboria rufofusca, de 3 à 15 mm, vésiculeux puis cupuliforme étalé avec un pied court . Vous pouvez en voir une photo, en suivant ce lien : http://www.mykoweb.com/CAF/species/...
- Sur des pots de fleurs à domicile ou dans les serres :
Leucocoprinus birnbaumii. Joli petit champignon ressemblant beaucoup à une lépiote( souvent appelée Lépiote jaune) qui apparaît et disparaît en quelques jours au pied d’une plante d’appartement .
- Sur des sols très durs, même bitumés :
Agaricus bitorquis, la Psalliote des trottoirs . Gaëtan Autuoro en avait fait un petit article sur notre site, en septembre 2010, avec plusieurs photos.
- Sur la face interne des bogues de châtaignier
Castanea sativa : Rutstroemia echinophila, (Bon, page 332), cupuliforme de 0,3 à 1 cm, brun châtain , à bord denticulé. La bogue doit avoir au moins 2 ans. Ce champignon est intéressant pour les expositions car il résiste bien.
- Sur les racines d’Anemone nemorosa :
Sclerotinia tuberosa (ou Dumontinia tuberosa), émerge d’un sclérote noir de 15 mm, partiellement enfoui dans le sol.
2°) Les champignons parasites de milieux insolites ayant un aspect caractéristique ou provoquant des effets spectaculaires
Ceux poussant sur d’autres champignons :
- Volvariella surrecta (ou loveiana), Volvaire parasite qui pousse sur de vieux Clitocybes nébuleux (page 250 de l’Eyssartier) : petite volvaire , le chapeau de 1,5 à 7 cm, est blanchâtre.
- Collybia tuberosa, Collybie à sclérote noir (Eyssartier page 370), qui pousse sur des débris de champignons pourris et enterrés
- Collybia cookei, Collybie à sclérote jaune, comme la précédente (Eyssartier p. 368)
- Cordyceps capitata et ophioglossoides qui parasitent tous les deux des Elaphomyces, champignons poussant sous terre, comme les truffes. Mais nous aborderons le grand groupe des Cordyceps plus loin, en tant que parasites d’insectes.
- Pseudoboletus parasiticus, Bolet parasite, qui pousse sur des sclérodermes (surtout citrinum) . Pour avoir plus de détails, vous pouvez consulter le site de Claude Magnat :
http://mycologie.ain.revermont.magn...
- Nyctalis parasitica ou Asterophora parasitica ( Nyctalis porteur d’étoiles) parasite les vieilles russules et quelquefois de vieux lactaires.(Bon page 169 , Eyssartier p.346).
Sur des végétaux :
C’est Claude Magnat qui va nous parler surtout de L’Ergot de seigle (Claviceps purpurea), qui pousse sur le seigle mais également sur d’autres graminées sauvages ou cultivées (notamment le blé). Voir encore les détails sur son site.
Ce champignon , en forme de sclérote, est tristement célèbre pour les intoxications gravissimes dont il a été responsable : le « mal des ardents ». D’ailleurs, J.M Berthelon nous avait préparé un texte sur l’historique de cette intoxication, intitulé :« Céréales killer à travers l’histoire », et qu’il a distribué aux membres présents.
Il n’en reste pas moins que les alcaloïdes de l’Ergot de seigle (la dihydroergotamine en particulier), sont toujours commercialisés pour les migraines ou les jambes lourdes, malgré l’apparition de nouvelles molécules.
Dans le même chapitre, on pourrait aussi parler de beaucoup de galles provoquées par des ascomycètes, comme la galle du pêcher, la pochette du prunier etc…
Ce sont des basidiomycètes qui sont responsables des Charbons( du maïs par exemple) et des Rouilles, mais là aussi, le sujet était trop vaste pour le développer ce même soir.
Je pense que c’est dans ce paragraphe que l’on peut mettre le champignon observé et déterminé à Ushaia et que Claude Magnat nous a décrit : Cyttaria darwinii , ascomycète qui parasite diverses Fagacées de l’hémisphère sud. Outre, les photos çi-jointes, il nous avait apporté un exemplaire séché de ce champignon .
Sur des insectes :
Là, on aborde la grande famille des Cordyceps qui s’attaquent (en plus de champignons hypogés comme l’Elaphomyces cité plus haut) à divers insectes et araignées. Jean Michel Berthelon a rassemblé une documentation importante sur le sujet et nous a développé ce point. D’ailleurs, vous pouvez consulter l’article dont il s’est inspiré, sur ce site :
http://home.scarlet.be/daniel.ghyse...
A chaque espèce de cordyceps, correspond un hôte différent : chenille de papillon, chrysalide, papillon adulte, larve de coléoptère, ou cochenille etc…
Pour information, je rajouterai à ces parasites, le Beauveria bassiana, (qui en fait est la forme reproductive asexuée du Cordyceps bassiana ) champignon dont le mycélium envahit le corps de l’insecte, en l’occurrence , le ver à soie. Il provoque « la muscardine », maladie qui sévissait dans les élevages de vers à soie.
Pour ses propriétés médicinales, vraies ou supposées, certains de ces cordyceps sont très recherchés, surtout en Asie. Ils auraient une action sur le système immunitaire et la fonction sexuelle, entre autres. Une dizaine de souches peuvent même être cultivées en laboratoire.
Sur le bois des planchers ou des charpentes :
C’est la fameuse Mérule pleureuse : Merulius lacrymans ( ou Sterculia, ou Gyrophana lacrymans ). La SNAA a plusieurs fois été sollicitée pour la déterminer, en particulier à la Chapelle Lalande, où elle a fait de gros dégâts. Là aussi, Un article a d’ailleurs déjà été fait sur notre site à son sujet ( Article de Guy Robert le 2 mars 2010). Et il semble que ce soit assez courant dans notre région : plusieurs cas ayant été rapportés par Danièle, Claude et autres présents.
Cette liste n’est pas exhaustive, nous avons surement oublié quelques raretés. Par contre, nous avons volontairement exclu les champignons microscopiques ou ceux qui parasitent l’homme , en particulier ceux provoquant des mycoses.
En tout cas, cet inventaire est le fruit d’une recherche commune, enrichissante pour tous les participants.
Nous espérons quand même que le printemps pointera le bout de son nez pour notre prochaine réunion du 26 mars et que , faute de nous les « mettre sous la dent », nous aurons« sous les yeux », quelques espèces précoces à déterminer. Et si ce n’est pas le cas, nous pourrons toujours parler des « champignons printaniers ».
Claudette TABARY