J’ai trouvé ce xylaire le 14 janvier de cette année, puis j’en ai récolté encore des spécimens le 19 et le 27 janvier.
La première fois, j’ai apporté cette espèce pour la soumettre à un mycologue, en pensant à Xylaria carpophila pour l’abondance de petites granules, j’ai appris que cette espèce ne poussait que sur faînes de hêtre. Je faisais donc fausse route.
Mon ami mycologue de la SHNJ me donna quelques jours après son verdict, détermination faite par une photo sur Internet : Xylaria scopiformis.
Pas très convaincue par une détermination sur un seul cliché, je demandais l’avis à un autre mycologue de Besançon qui a l’habitude d’étudier tout ce qui pousse sur bois et il me dit par une simple description que je lui fis au téléphone qu’il avait trouvé il y a de nombreuses années un champignon correspondant à ce profil et qu’un mycologue lui avait dit que c’était Xylaria hypoxylon. Comme nous devons nous rencontrer en mars pour le rassemblement de la FME, il me demanda de lui garder quelques exemplaires pour voir…
Je prenais alors contact avec un autre ami de la FMBDS pour lui demander son avis en lui envoyant quelques exemplaires par la poste. Il me rappela dans la semaine pour me dire que, d’après microscopie, il avait trouvé Xylaria cupressoides mais aimerait confirmation par un spécialiste et m’invita à lui adresser également quelques échantillons.
Je suivais ce conseil et enfin ce petit xylaire avait un nom : Xylaria hypoxylon.
Tout ceci pour dire à ceux qui démarre dans l’étude des champignons que rien n’est simple et qu’il faut, quand on trouve quelque chose qui nous semble sortir de l’ordinaire, en récolter un nombre suffisant pour consulter plusieurs avis de personnes compétentes. Il y a les champignons qui ne posent pas de problèmes et certains pour lesquels nous devons avoir recours au spécialiste du genre. 25 ans de mycologie et je suis comme celui qui démarre, j’en apprend encore et toujours…
Les échantillons adressés au spécialiste étaient au nombre de 6, d’aspect tous différents, mais poussés au même endroit sur parfois, le même bout de bois.
Certains échantillons étaient stériles, d’autres en bon état de maturité mais certains présentaient de nombreux asques* immatures. Les spores*sont hyalines* et même parfois non encore formées. Le cas est fréquent pour ce champignon, la maturation des spores commençant par le stroma*.
Dans ce groupe de Xylaires à clavules*étroites, souvent plus ou moins ramifiées, parfois connées, il faut une documentation spécialisée pour s’y retrouver. Les ouvrages qui traitent cette espèce sont en général assez vagues, et ne représentent ce champignon que dans sa forme immature donc conidienne*. Ainsi dans l’article du Tome 100 de 1984 de la SMF, M. Bertault s’est lourdement trompé, en affirmant que Xylaria hypoxylon avait un mode de développement différent des espèces de ce groupe. S’il est exact qu’il change d’aspect tout au long de sa croissance, il est faux de dire que le stade parfait (asques et spores) précède le stade conidien.
Non, cette espèce se développe comme les autres xylaires, la forme conidienne précédant la forme mature. Ce n’est donc pas, comme il l’explique par deux fois dans cette publication, la clavule mûre avec sommet mucroné* ou plus ou moins aplati qui évolue vers une forme bifide* mais le contraire.
Les jeunes stromas qui apparaissent à l’automne sont d’abord noires veloutés avec le sommet blanc, puis progressivement se modifient. Au fur et à mesure de leur croissance, ils prennent les formes variées que l’on connaît, certains conservant un sommet simple plus ou moins aplati, mais celui-ci, quelque en soit la forme, est toujours stérile. Cette dernière particularité concerne toutes les espèces de la section à stroma claviforme d’un diamètre rarement supérieur à 5 mm.
Dans le cas de Xylaria hypoxylon, la maturation va se produire très lentement. De mai à mi août, surtout pendant les périodes sèches, les stromas ont plutôt mauvaise mine. Ils sont étriqués, desséchés et cassants, abîmés par des causes diverses, insectes, passage d’animaux…on les croirait morts mais pas du tout. Malgré cela, à partir d’avril mai, la formation des périthèces débute très progressivement et ce n’est qu’à partir de juillet août, que dans ces embryons de périthèces il sera possible de distinguer des asques en formation. La pleine maturité n’étant souvent atteinte qu’en novembre décembre, parfois plus.
Voir les croquis de ces 3 stades, dans le compte rendu de la réunion du 31 janvier.
Glossaire
Asques : cellules reproductrices des ascomycètes.
Bifide : se dit d’un organe fendu, longitudinalement. (fourchu)
Clavules : petite massue
Conidie : spore de reproduction asexuée.
Hyalines : ayant plus ou moins l’aspect du verre, donc transparent.
Hypoxylon : du grec hypo qui indique le degré : presque, un peu + xûlon : bois. Qui vient dans le bois, ou presque du bois, presque ligneux.
Mucroné : muni d’une pointe courte et brusque.
Périthèces : chez les pyrénomycètes, sorte de petite sphère microscopique à l’intérieur de laquelle se trouvent les asques.
Spores : élément reproducteur des champignons.
Stroma : désigne la masse charnue ou ligneuse qui porte les périthèces chez certains pyrénomycètes.
Xylaria : du grec xûlon : bois et aria : poussant sur bois et dures comme du bois
Nadine Briand
Bibliographie :
Bulletin de la FMBDS avril 1994 N°133 page 27 à 35
Documents Mycologiques Tome XXV fascicule N°97 juin 1995
Gazette de la société d’Histoire Naturelle de Loir et Cher N°42 1994