Après la publication de la nomenclature des chabots par Freyhof, Kotellat et Nolte en 2005 qui avait révélé 5 espèces nouvelles pour les cours d’eau français, notre région Rhône-Alpes, à son tour s’est vue attribuer une espèce de chabot, endémique du bassin du Haut-Rhône. Le lecteur doit-il imaginer un Chabot savoyard aux allures de petit ramoneur (qui, chacun le sait, au contraire de l’hermine au pelage blanc et au bout de la queue noir, est tout noir avec… une petite échelle sur le dos !) ? Pas tout à fait ! Allons à sa rencontre…
Il va sans dire que ce sont les investigations scientifiques liées à l’engouement actuel pour la phylogénétique qui ont permis aux chercheurs de caractériser la nouvelle espèce… Ces chercheurs russes se sont penchés sur les chabots des collections du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, et pas des tout jeunes (les individus, bien entendu !) ! Les exemplaires ayant été recueillis en 1960 dans trois rivières de Haute-Savoie. Nous noterons qu’à l’époque, la directrice de la rédaction de France 2 était entrée dans sa dixième année et que notre Arlette, à nous les Natus, était entrée dans sa… non, je ne le dirai pas ! Bref ! Voilà-t-y pas que la Fillière, le Fier (avait-il alors de quoi l’être ?) qu’elle alimente et les troisièmes larrons, les Usses ont livré en cette belle année 3 individus qui allaient acquérir une notoriété planétaire (dans le landerneau des spécialistes des Scorpaeniformes, j’entends !) près d’un demi-siècle plus tard ! (C’est une chose sûre !)
Nous devons donc cet événement – qui réduit la coupe du Monde de football 2010 à un frémissement événementiel de l’intensité d’une fête patronale – au très sérieux Dr. V.G. Sideleva, une dame qui après des études à l’université de Dnepropetrovsk en Ukraine à la fin des années 1960, s’est fait un nom dans la recherche sur les Cottidés (la famille de notre Chabot) depuis son laboratoire d’ichtyologie de l’Institut zoologique de l’Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. (Mais de quoi il semelle l’oncle Régis ?)
C’est donc bien loin de la crypto-dépression du lac Baikal et de ses plus d’un mile d’abysses glacées dont elle a patiemment écumé la faune, que notre chercheuse a permis d’étoffer le genre Cottus. C’est le grand Charles - pas celui de du 18 juin mais celui d’Uppsala - qui avait décrit l’espèce Cottus gobio en 1758. Il avait trouvé ce petit poisson méconnu assez abondant dans une vaste zone géographique allant des Pyrénées à l’Oural et même jusque dans les rares cours d’eau des steppes de l’Asie centrale (Borodine aurait-il suggéré la nage furtive du petit cottidé par quelques coups d’archet cinglants) si l’on inclut la sous-espèce C. gobio jaxartensis. On considère aujourd’hui que l’espèce C. gobio est polymorphique à large spectre. En France, outre C. petiti (Băcescu & Băcescu-Meşter, 1964) endémique du Lez (près de Montpellier) découvert par des chercheurs roumains (la guerre froide avait-elle initié la cottidologie française, et doit-on son renouveau à l’oligarchie somptuaire moscovite friande de destinations balnéaires branchées ?) en 1964, on trouve 5 espèces de Chabot : Cottus aturi (Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques), Cottus hispaniolensis (Haute-Garonne), Cottus duranii, (Loire, Haute-Loire, Lozère et Cantal), Cottus perifretum (centre et centre-sud-ouest) et Cottus rondeleti (endémique du département de l’Hérault).
Mais alors me direz-vous ! Qu’est-ce qui diffère tant notre nouvelle espèce de notre Cottus gobio gobio L. ? (Allez, allez Oncle Régis, ça me botte !)
Je laisse la parole à notre chercheuse des rives de la Neva pour qui "la nouvelle espèce Cottus sabaudicus diffère des autres espèces du groupe Cottus gobio par la combinaison des caractéristiques morphologiques suivantes : corps nu, absence de spinules osseuses , tronc (du sommet de la mâchoire supérieure à l’ouverture anale) et partie anale (de l’ouverture anale à l’insertion des rayons de la nageoire caudale) de longueurs sensiblement égales ; toutes les nageoires sont claires, sans points sombres ni rayures, canal sensoriel latéral complet, contenant 34-37 pores ; les rayons internes de la nageoire ventrale et le rayon terminal de l’anale sont connectés au corps par des membranes de peau ; la deuxième dorsale (D2) n’atteint pas les rayons de la caudale à une distance de 15–16% de la longueur de la tête (HL) ; pédoncule caudal court (12–14% de la longueur standard - SL), sa profondeur est 1.8–2.3 fois plus courte que sa longueur ; diamètre de l’œil 16–22% HL ; espace interorbital 0.8–1.2 fois le diamètre de l’œil ; distance postorbitale 52–58% HL et 1.7–1.9 fois plus large que la distance préorbitale. C. sabaudicus diffère de l’espèce typique du genre C. gobio par les caractéristiques suivantes : coloration monotone du corps ; partie caudale du corps allongée (dans C. gobio, la partie caudale du corps est 1.2– 1,4 fois plus courte que le tronc) ; l’absence de bandes noires aux nageoires ventrales ; ratio de la longueur du pédoncule caudal par sa hauteur (1.8–2.3 fois versus 2.3– 2.8) ; d’un plus grand nombre de pores dans le canal du tronc (34–37 pores contre 31–33 + 1 dans C. gobio (Freyhof et al., 2005)). (Je n’ai jamais vu de choses si nettes !)
La nouvelle espèce C. sabaudicus, conformément à certaines caractéristiques (corps allongé, longueur de la tête, nombre des pores de la ligne latérale céphalique ou CLL, coloration monotone du corps) est plus étroitement liée à C. scaturigo ; cependant, il diffère de ce dernier par l’absence de bandes foncées sur les rayons des nageoires, un plus grand nombre de rayons parallèles dans la caudale (neuf contre huit), diamètre oculaire plus petit (18,7 contre 23,9), un espace interorbital plus important (17,1 contre 14.3) et un museau plus long (30,9 contre 25,0). Le fleuve Rhône est également habité par une autre espèce de Chabot qui, conformément à son corps raccourci, sa coloration tachetée et ses caractéristiques méristiques est identifié comme C. gobio. Contrairement à C. sabaudicus elle habite le cours inférieur du Rhône". (Ça commence à lacet ces descriptifs non ?)
Voilà pour notre Cottus sabaudicus dont l’épithète dérive du latin Sabaudia, qui désignait la Savoie du temps de Jules - qui ne détestait pas les virées dans les Alpes cottiennes, du reste - cette belle région bucolique où caracolent chalets, marmottes, ramoneurs et hyménoptères indépendantistes dans une folle farandole parmi les grasses prairies où lentement s’élabore le lait qui, mûri à l’ombre de caves millénaires, engendrera le précieux roquefort… euh… beaufort… Allez ! Une nouvelle espèce endémique pour les 150 ans du rattachement de la Savoie à la France, vous ne trouvez pas cha beau ?
Bibliographie
Freyhof, J., Kottelat, M. & Nolte, A. 2005. Taxonomic diversity of European Cottus with description of eight new species (Teleostei : Cottidae). Ichthyological Exploration of Freshwaters, 16(2) : 107-172.
Сиделёва B.Г. 2009 - Новый вид подкаменщика Cottus sabaudicus sp. nova (Scorpaeniformes : Cottidae) из района Савойя, Франция. Вопросы ихтиологии - том 49, № 2, Март-Апрель 2009, С. 149-154.
Sideleva V.G. 2009 - A New Sculpin Species Cottus sabaudicus sp. Nova (Scorpaeniformes : Cottidae) from the Savoy District, France. - Journal of Ichthyology, 49 (3) : 209-214.
Liens Web
http://species.wikimedia.org/wiki/Cottus_sabaudicus
http://www.maikonline.com/maik/showArticle.do?auid=VAFSWX88ID&lang=ru
http://www.maikonline.com/maik/showArticle.do?auid=VAFSWX88ID
Cladus : Eukaryota |
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Cladus : Opisthokonta |
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Classis : Actinopterygii |
Subclassis : Neopterygii |
Infraclassis : Teleostei |
Superordo : Acanthopterygii |
Ordo : Scorpaeniformes |
Subordo : Cottoidei |
Superfamilia : Cottoidea |
Familia : Cottidae |
Genus : Cottus |
Species :Cottus sabaudicus Sideleva, 2009 |
Je veux remercier ici les éminents naturalistes (pas de l’Ain, eux !) Yvain Dubois et Cyrille Deliry qui m’ont informé de l’événement et permis de compulser la prose de notre cottidologue préférée !
Régis KRIEG-JACQUIER, le 1er avril 2010