Milieux d’exception en Savoie

Orchidées, oiseaux et libellules
Publié le lundi 2 juin 2008 par Pierre RONCIN, Régis KRIEG-JACQUIER

Cette sortie du 31 mai avait pour objectif de faire connaître aux naturalistes de l’Ain quelques milieux fragiles et singuliers du département de la Savoie. La météo s’annonçait chaotique et nombreux furent celles et ceux qui déclarèrent forfait…

Vers 9h30, Pierre et Annie accompagnés par Hervé arrivaient aux portes de Chambéry… Par de petites routes qui grimpaient vers un ciel plombé déchiré de quelques rares nuances bleues, nous découvrîmes rapidement de belles floraisons d’orchidées (Platanthera bifolia, Ophrys araneola, Ophrys insectifera, Cephalantera longifolia, Anacamptis pyramidalis…) et de belles touffes de Bragalou, Aphyllanthes monspeliensis L., une belle liliacée méditerranéenne qui est ici dans ses stations les plus septentrionales…

Au col du Granier, l’air est frais, le soleil timide et le brouillard masque l’énorme molaire de calcaire urgonien à la face nord tellement caractéristique. Cédric nous rejoint de Grenoble et Marie-Pierre de Haute-Savoie. Avec Aurélien arrivé la veille, nous sommes donc au complet. Au-dessus de nous s’époumonent le Pinson des arbres et l’Accenteur mouchet, tous deux perchés à la cime d’épicéas, donc bien visibles.

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Tofieldia calyculata

La première station est bien connue de certains d’entre nous et offre une magnifique mosaïque de milieux de moyenne altitude… Des zones sèches, des zones humides, des ruisselets… Tout un monde où se croisent linaigrettes (Eriophorum latifolium), orchidées

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Orchis purpurea

(Platanthera bifolia, Cephalantera longifolia, Dactylorhiza maculata, Orchis purpurea), de belles touffes de polygale petit buis (Polygala chamaebuxus) près de petits groupes de petite Pyrole (Pyrola minor)…

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Jardin chartrousin
Polygala chamaebuxus, Pyrola minor et Cypripedium calceolus

On y voit également la laîche de Davall (Carex davalliana) une espèce dioïque très caractéristique, la Grassette commune (Pinguicula vulgaris), la Tofieldie (Tofieldia calyculata) et bien entendu, la fleur vedette des Alpes calcaires, le magnifique sabot de Vénus, Cypripedium calceolus, en nombre sur cette station, et bien protégé des pillards et des malfaisants…

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Cypripedium calceolus

Parmi les oiseaux, la Grive musicienne et le Rouge gorge se font entendre, sans oublier le Pic noir qui, non content de crier, nous fait l’amitié d’une apparition toujours appréciée quoi qu’un peu fugace .

Par des petits chemins qui serpentent au milieu des vignes, nous découvrons les Abymes, cette zone marneuse accidentée, hérissée de rochers parfois énormes… Ce sont les traces de la catastrophe de 1248, quand une partie de la corniche du Granier s’était effondrée, engendrant un glissement de terrain qui recouvrit le piémont jusqu’à Myans et les Marches… Entre les carrés de vignes, surgit parfois un marais, comme le lac Bey, une petite pièce d’eau, comme le lac Froment, abritant une flore et une faune particulièrement riches et menacées. Un plan d’eau plus grand nous apparaît soudain, le lac de Saint-André. Ses eaux claires sont soulignées d’une belle roselière et cette perle turquoise reflète les sommets voisins, certains encore enneigés.

C’est sur ses rives que nous ferons notre halte de midi. quelques blocs accueilleront nos séants après que nous aurons prospecté les berges à la recherche de quelques libellules. Le paysage est serein, le lac fait l’objet d’une protection et d’une gestion par le Conservatoire des espaces naturels de Savoie, mais souffre d’une fréquentation un peu top importante et d’une volonté de rendre ses rives « propres et rases » qui nuit quelque peu à son aspect naturel et sauvage.

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Lac de Saint-André et mont Granier

Au bord du lac les roseaux phragmites recèlent quelques Rousseroles très en voix : l’Effarvate et la Turdoïde . Nous partagerons notre repas avec quelques colverts apprivoisés (dont un mâle tout blanc) et un Moineau domestique effronté et il faudra surveiller la tarte de près pour que tout ce monde ailé ne vienne pas se servir directement dans le plat…

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Contemplation

Le pique nique expédié, nous retournons sur les rives… De belles touffes de Carex pseudocyperus ont échappé ça et là aux ardeurs des employés municipaux, et nous pourrons contempler quelques beaux odonates… Anaciaeschna isoceles, Brachytron pratense, Cordulia aenea, Libellula fulva, Anax imperator et nos habituels zygoptères comme Ischnura elegans, Coenagrion puella et Pyrrhosoma nymphula, tandis qu’un fringant Calopteryx virgo sortira de son ruisseau voisin pour prospecter lui aussi les bords du lac.

Mais les heures s’écoulent trop vite, et par la vallée de l’Isère, gonflé par les pluies et la fonte des neiges, nous nous échappons vers l’entrée de la Maurienne. Dans Chamoux-sur-Gelon, une route en lacets nous mène au village de Montendry, perdu dans la montagne. De là, un chemin devient bientôt piste, parfois à la limite de la viabilité et nous emmène vers la tourbière de Montendry, source du Gelon.

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La tourbière de Montendry en automne

Le ciel menaçant n’empêche pas un Aigle royal adulte de nous survoler dès notre arrivée. Le temps s’est couvert, les éclaircies sont rares, et les rives de cette belle zone humide sont encore bien calmes. Quelques rares Libellula quadrimaculata patrouillent déjà au-dessus des sphaignes ; d’autres sont seulement en train d’émerger, parfois avec des accidents qui ne lissent que peu d’espoir sur la survie de l’individu.

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Libellula quadrimaculata

Nous observerons une larve d’Aeshna cyanea, qui entreprendra peut être sa dernière mue dans quelques semaines, mais qui, pour l’instant, semble couler des jours heureux à nager entre deux eaux, farfouiller sur le fond, apparemment indifférente aux Tritons alpestres, Triturus alpestris qui devraient pourtant l’avoir à leur menu.

Le long du chemin qui borde la tourbière, de belles populations de Gentiana asclepiadea attendent les derniers jours de l’été pour ouvrir leurs corolles d’azur… Plus loin, sur le sol humide, leurs cousines Gentiana acaulis ont elles, sorti leur trompette pour annoncer l’éclosion des belles Primula farinosa sur les mouillères.

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Primula farinosa

Une Grive musicienne fait entendre son chant mélodieux ; une jeune Grive draine sachant à peine voler part de nos pieds pour se percher à quelques mètres, ce qui nous permet de l’avoir en gros plan dans nos jumelles.

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Drosera rotundifolia

Le printemps tarde ici, et même les Drosera rotundifolia sont encore bien gamines, leurs rosettes de feuilles traitreusement perlées semblant encore bien inoffensives… La rare fougère des marais, Thelypteris palustris, quant à elle, commence à peine à développer ses frondes en bordure des flaques et des fosses… Un Rouge gorge se manifeste puis les chants sont perturbés par l’arrivée de la pluie et par les « bourdonnements » lancinants des moustiques particulièrement nombreux et affamés.

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Thelypteris palustris

La pluie se fait maintenant plus drue, et comme nous n’avons envie ni d’être rincés ni de périr noyés dans les pièges de la tourbière, nous rejoignons les voitures, non sans avoir longuement contemplé les draperies arachnéennes des lichens sur les ramures des grands arbres, Usnea florida en particulier.

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Usnea florida

Il est 18 heures, le temps est de plus en plus gris, il ne nous reste qu’à redescendre. Quelques uns feront encore un petit saut au lac de Saint-André où ils avaient laissé leur voiture, les autres rejoindront Bourg-en-Bresse avec de belles images plein les yeux, même si la lumière n’était pas encore très printanière.

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Lichens et air pur

Photos Régis KRIEG-JACQUIER


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